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Valaero - Récits & Photos

#FactAero :
L'aile à flèche inversée, le Robin ATL et un projet qui en découle !

Vous connaissez tous le Grumman X-29, avion expérimental développé dans le but d’étudier les caractéristiques d’un avion doté d’une aile en flèche inversée et de plans canard. 🤓

Cette flèche inversée est très étonnante, mais connaissez-vous d’autres avions qui en sont pourvus ?

D’abord, le Soukhoï Su-47 Berkut, avion de chasse expérimental russe dont son aile lui permettrait d’avoir une vitesse, un rayon d’action, un plafond opérationnel, une capacité d’emport, une furtivité et une maniabilité hors du commun !

Conçu pour dépasser les performances de chasseurs performants tels que le F-22 Raptor, le Su-47 réalise son premier vol le 25 septembre 1997 pour une mise en service prévue à l’horizon 2010.

Il servira finalement de modèle pour la conception d’un futur avion de chasse russe et sera inclus dans le programme T-50 du Su-57.

Certains planeurs très connus pour être ceux les plus répandus en école de vol à voile en sont dotés : on peut citer le Schleicher ASK 13 qui dispose d’une aile à flèche légèrement inversée ou, pour faire plaisir à Loïc (aka @Lan_D40), le Let L-13 Blaník 😉

Planeurs Schleicher ASK-13 et Let L-13 disposant d’ailes à flèche inversée.

💡 Petit instant Wikipédia : « Cela permet une implantation d’aile davantage sur l’arrière, libérant la vue pour l’occupant arrière et aussi d’avoir la place arrière très proche du centre de gravité évitant ainsi les variations de centrage selon que cette place est occupée ou non. »

Mais qu'en est-il sur nos avions de tourisme ? 🛩️

Dans les années 1980, Robin lance la conception d’un avion biplace extrêmement léger visant à répondre à la demande des aéroclubs français (un peu ce qui revient aujourd’hui avec Elixir 😉).

Le 17 juin 1983, le prototype de celui qui s’appellera ATL pour « Avion Très Léger » s’envole pour la première fois mais les tests révèlent que le moteur, insuffisamment puissant, a tendance à vibrer…

Pour ne pas prendre trop de retard sur le développement de l’avion, un moteur Volkswagen modifié par JPX, le 4T 60A de 48 kW (65 cv) est installé sur le prototype et servira de base pour la production…

⚠️ Petit soucis : le moteur étant bien plus lourd que celui d’origine, il faut modifier la structure de l’avion afin de maintenir le centre de gravité de l’avion dans une position acceptable par rapport à l’aile.

C’est ainsi que nous nous retrouvons avec un avion à ailes disposées en flèche vers l’avant, de 6° exactement !

Un avion français à empennage en V et à flèche négative, ce n’est pas commun, n’est-ce pas ?! 😁

En novembre 1983, 5 mois seulement après le premier vol du prototype, la Fédération Nationale Aéronautique (notre FFA actuelle) passe une commande de 30 avions dont les premiers seront livrés en avril 1985 avec un Certificat de Navigabilité restreint. 📒🛫

Le 15 juin 1986, l’ATL obtient enfin sa certification complète mais entre temps, l’avion a commencé à montrer ses faiblesses : une roulette avant assez fragile qui cède lors d’atterrissages durs et des problèmes de moteur qui amèneront au rappel par Robin des premiers appareils livrés pour modifications.

Une solution est trouvée pour pallier ces soucis moteur : équiper l’appareil d’un moteur plus fiable, un Limbach (également un moteur automobile Volkswagen modifié) à double allumage contrairement aux JPX précédemment utilisés et en équiper la version destinée au marché allemand ! 🤔
Malheureusement, il n’est certifié qu’en 1989, trop tard pour espérer faire redécoller les ventes. 😬

La production fut donc interrompue en 1991 après 132 ATL fabriqués dont 10 propulsés par un Limbach de 70 cv !

Tous ces « petits » soucis auxquels l’ATL a du faire face durant les années 80′ ont conduit certains moqueurs à lui donner le surnom d’Avion Très Loupé 🥲

Selon des statistiques que j’avais relevées en juillet 2020, sur les 131 avions de série construits, 13 ont été détruits, 3 (à ma connaissance) ont été transformés en ULM en France – bien d’autres à l’étranger – pour des expérimentations plutôt sympathiques et 62 ATL sont toujours inscrits (non radiés) en France auprès de la DGAC.

Deux constructeurs amateurs français ont animé leur blog sur la modification de leur ATL : un l’a modifié en ULMl’autre en a fait un F-Pxxx : un avion de construction amateur !

Selon mes données, il resterait 97 ATL en état de vol dont 48 en France : 46 avions et 2 ULM. ✈️

Quant au prototype : le F-WFNA, il fut détruit le 17 mai 1990 lorsqu’une partie des réserves du Musée de l’Air et de l’Espace fut victime d’un terrible incendie.. 😥

Le 25 février 1991, le Robin X4, présenté comme une version 4 places de l’ATL fait son premier vol.
(petit avis personnel : sans empennage papillon ni flèche inversée, il ne reste plus grand chose de l’ATL hormis la verrière qui bascule vers l’avant !)

Equipé d’un Lycoming O-235N de 118 cv, ses performances sont meilleures que celles d’un DR400-120 grâce à une structure plus aérodynamique : « l’optimisation du capot a réduit la traînée de refroidissement du moteur de 20 %, ce qui représente 5 % de la traînée globale. Au total, le gain de vitesse de croisière est de l’ordre de 25 km/h [par rapport à un DR400-120]. »

Cependant, ce gain de performances se fait aux dépens du comportement de l’avion : le décrochage est décrit comme « non bénin et inadapté à un avion d’entraînement ».

Selon Robin dans l’ouvrage La Saga Robin de 1957 à nos jours de François Besse, la cellule du X4 était capable d’accueillir jusqu’à une configuration de 4+2 sièges avec une motorisation en conséquence et ainsi être un concurrent solide face au Cirrus SR22 développé dès 1999.

Malheureusement, les repreneurs de la société Robin ne se sont jamais montrés intéressés par ce projet et le mettent au rebut. Nous ne verrons donc jamais de Robin 4+2 dans nos aéroclubs ! 

Je garde le reste pour moi, il y a largement de quoi en faire un second #FactAero ! 😇

Il y a encore tout plein de choses à dire sur l’ATL : sa vitesse de décollage inférieure à sa vitesse de décrochage, sa vitesse de décrochage en lisse égale à sa vitesse de décrochage volets sortis, mais chut, j’ai déjà quasiment fait deux (voire trois) #FactAero en un seul 🤫

Pour conclure, voici une anecdote de Louis Notteghem, dont l’aéroclub de Saint-Yan porte le nom, à propos des performances de l’ATL ! 😅

« Voici, illustrant les performances de l’ATL, une anecdote signée Louis Notteghem : il part sur cet avion avec l’un de ses élèves en double-commande. Mais, le vol terminé, voici que l’avion revient avec un seul pilote à bord ?

Explication : nos deux pilotes se posent sur le terrain de Paray-le-Monial. Au moment de repartir, deux tentatives de décollage et quelques frayeurs après, Notteghem estime que les 600 mètres de piste gazonnée seront définitivement trop courts. Il débarque donc l’élève – qui rentre chez lui à pied, heureusement tout près du terrain – et redécolle en solo pour Saint-Yan !

L’ATL est un avion à train tricycle avec une roulette de nez minuscule qui développe donc une traînée énorme sur piste en herbé… Et Paray est réputé « piège à pilote » si tous les paramètres de calcul de la distance de décollage ne sont pas bien estimés :
poids / puissance de l’avion, température de l’air, vent, humidité au sol, hauteur de l’herbe…

Ah ! Combien de capitaines, venus de régions lointaines pour atterrir en Charollais ont brisés leurs ailes… et finis dans les haies… »

Crédits photos : Larry Sammons (NASA) ; GlidingBob ; Dhaluza ; Philippe Brillon ; Joop de Groot ; plans ATL par moi-même ; Jérôme Wilhelem.
La photo du Soukhoï Su-47 et celle du Robin X4 en vol sont d’auteurs inconnus.